Ti-Middus
Au cours d’une promenade, je vois
soudain un drôle de Wézo qui s’amuse à imiter ses voisines les quenouilles en
pointant son long bec jaune vers le ciel. Il oscille d’un mouvement analogue à
celles-ci, comme bercé par le vent. Ses pattes vertes contribuent à le
dissimuler dans les roseaux environnants ou règne un silence lénifiant. Aux
extrémités de ces pattes, de longs doigts lui permettent de se déplacer sans
bruit, furtivement, faisant preuve d’une très grande discrétion, à l’inverse de
son cousin héronnien, grand et élancé, surnommé Le grand Bleu ou encore La
Star du marais.
Sa mère Billot, logique, l’a créé à grands coups de hache
« Pour vivre une vie de wézo, faut être fait fort! »dit-elle à qui
veut l’entendre. Mais, artiste dans l’âme, elle s’est autorisée à revêtir son
rejeton des couleurs du ciel, du soleil et orné ses ailes d’étoiles et
d’arabesques. Toutefois, peu inspirée pour lui trouver un nom, même de plumes,
elle a eu la sagesse d’encercler son cou d’une étiquette avec l’espoir qu’une
personne lui trouvera un jour une appellation qui lui convienne.
Ses ailes, wézo les tient la plupart du temps le long de
son corps car son vol est lent et laborieux. Les grands voyages ne sont pas son
affaire. Au-dessus de sa tête, une petite éminence grise lui donne la noblesse
d’un être simple et réservé. Il émet parfois un cri ou plutôt un murmure voilé
et un peu guttural qu’il répète pour s’assurer de rester à l’abri d’éventuels
intrus : tshuuutt, tshuuutt, tshuuutt….Avec ses yeux gros comme des têtes
d’épingles, comment pourrait-il distinguer ses voisins, amis ou prédateurs.
Cette particularité lui rend toute approche hasardeuse et compliquée. C’est
pourquoi il est peu accessible et préfère rester en retrait. Mais, plus on le
fréquente, plus on l’apprécie. Comme une œuvre d’art, il se bonifie avec le
temps.
Pour conclure, en bonne mère
branchée nature et également fondatrice des ornithologues allumés, Mme. Wézo,
par le biais des étiquettes, assure à ses petits le moyen de se trouver un foyer
et une amitié pour les tenir chauds ainsi qu’ un nom pour qu’ils existent
pleinement. A mon tour, je te nomme ,en chuchotant doucement, Ti- Middus, mon
cher wézo.
Henriette Le Tellier,
18 aout, 2013