Comment naissent les weZo

Au milieu de nulle part

Au cœur d'une forêt dense, parmi les ours, les orignaux et toutes les bêtes du nord, vivait un arbre immense. Il était très vieux et, toujours, les oiseaux migrateurs se posaient sur ses branches pour reprendre leur souffle. Comme l’arbre les admirait! Quelles couleurs! Quelle liberté! Ces oiseaux lui racontaient toutes les histoires, tous les paysages et, aussi, tous les êtres humains qu’ils avaient croisés lors de leurs pérégrinations.

Le vieil arbre soupirait d'envie de voyager lui aussi, mais il avait comme travail de relier ciel et terre. Ses racines, bien enfoncées sous l'humus et ses dernières branches touchant le ciel, se nourrissant du ciel comme de la terre. L’arbre restait là, à rêver qu'un jour il quitterait sa forêt pour partir à l'aventure, comme ses amis les oiseaux. Les années finirent par l'user. Ses branches commencèrent à tomber, les unes après les autres, quand soudain, un hiver, le bûcheron le vit...

Au printemps suivant, une dame, qui paraissait un peu bizarre aux yeux des siens et qui vivait seule près de cette forêt, était à corder son bois de chauffage quand elle entendit un long soupir lorsque les oiseaux migrateurs passèrent au-dessus de sa tête. Elle savait écouter les arbres et comprit ce qu'elle avait à faire. Les gens disaient qu'elle était un peu sorcière, un peu sauvage, mais ils disent tellement n'importe quoi quand ils ne savent pas.

Elle était artiste, tout simplement et peut-être un peu magicienne du même coup.

Elle prit donc un billot et quelques branches, s'enferma dans son atelier et en ressortit avec un superbe wezo. Il était bleu comme le ciel et vert comme l'humus de la forêt, son berceau. Il avait l'air si heureux! La dame un peu sorcière et artiste en fit des milliers de toutes les couleurs , porteurs de bonheur à qui l'on donne de drôles de noms et qui voyagent partout dans le monde. Leur chant a quelque chose d’inédit, de joyeux et d’inoubliable qui rappelle la musique que le vent jouait dans les branches du vieil arbre.

Chaque fois qu'un wezo rencontre un oiseau migrateur, il se passe quelque chose de magique.

Observez bien…

TI-MIDDUS










Ti-Middus

Au cours d’une promenade, je vois soudain un drôle de Wézo qui s’amuse à imiter ses voisines les quenouilles en pointant son long bec jaune vers le ciel. Il oscille d’un mouvement analogue à celles-ci, comme bercé par le vent. Ses pattes vertes contribuent à le dissimuler dans les roseaux environnants ou règne un silence lénifiant. Aux extrémités de ces pattes, de longs doigts lui permettent de se déplacer sans bruit, furtivement, faisant preuve d’une très grande discrétion, à l’inverse de son cousin héronnien, grand et élancé, surnommé Le grand Bleu ou encore  La Star du marais.

Sa mère Billot, logique, l’a créé à grands coups de hache «  Pour vivre une vie de wézo, faut être fait fort! »dit-elle à qui veut l’entendre. Mais, artiste dans l’âme, elle s’est autorisée à revêtir son rejeton des couleurs du ciel, du soleil et orné ses ailes d’étoiles et d’arabesques. Toutefois, peu inspirée pour lui trouver un nom, même de plumes, elle a eu la sagesse d’encercler son cou d’une étiquette avec l’espoir qu’une personne lui trouvera un jour une appellation qui lui convienne.

Ses ailes, wézo les tient la plupart du temps le long de son corps car son vol est lent et laborieux. Les grands voyages ne sont pas son affaire. Au-dessus de sa tête, une petite éminence grise lui donne la noblesse d’un être simple et réservé. Il émet parfois un cri ou plutôt un murmure voilé et un peu guttural qu’il répète pour s’assurer de rester à l’abri d’éventuels intrus : tshuuutt, tshuuutt, tshuuutt….Avec ses yeux gros comme des têtes d’épingles, comment pourrait-il distinguer ses voisins, amis ou prédateurs. Cette particularité lui rend toute approche hasardeuse et compliquée. C’est pourquoi il est peu accessible et préfère rester en retrait. Mais, plus on le fréquente, plus on l’apprécie. Comme une œuvre d’art, il se bonifie avec le temps.

Pour conclure, en bonne mère branchée nature et également fondatrice des ornithologues allumés, Mme. Wézo, par le biais des étiquettes, assure à ses petits le moyen de se trouver un foyer et une amitié pour les tenir chauds ainsi qu’ un nom pour qu’ils existent pleinement. A mon tour, je te nomme ,en chuchotant doucement, Ti- Middus, mon cher wézo.


Henriette Le Tellier, 18 aout, 2013

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